Législatives 2024 : le bilan de l’observatoire des élections de la CNIL
La CNIL a reçu 462 signalements, soit 176 de plus par rapport à 2022 (+ 61,5 %). Un parti concentre la moitié des signalements (49 %) et la prospection par SMS reste le mode de prospection le plus représenté (59 %).
Une hausse significative du nombre de signalements et de plaintes
Malgré une campagne électorale éclair, la CNIL a enregistré 270 signalements pour le premier tour, à l’issue duquel 8 candidats ont concentré 37 % des signalements, et 192 sollicitations pour le second tour, au cours duquel 8 autres candidats en ont représenté 52 %.
La tendance du recours au SMS comme canal de prospection privilégié des partis politiques et des candidats se confirme, distançant largement les modes de prospection traditionnels :
- SMS : 268 signalements (59 %)
- Courriel : 77 signalements (17 %)
- Courrier : 74 signalements (16 %)
- Appel téléphonique : 11 signalements (3 %)
- Autre : 21 signalements (5 %)
Le nombre de plaintes est également en hausse, avec 38 plaintes en 2024 contre 13 en 2022, majoritairement contre les candidats de deux partis (12 chacun). Le nombre de plaintes a connu une nette augmentation entre le premier (12 plaintes) et le second tour (26 plaintes). Le plus souvent, les personnes indiquent ne jamais avoir communiqué leurs coordonnées aux partis qui les sollicitent, ni disposer d’information sur l’utilisation de leurs données personnelles. Pour autant, les personnes concernées se sont très peu manifestées pour exercer leurs droits auprès des partis.
L’instruction de ces plaintes est en cours. Comme cela avait été annoncé lors de la précédente publication sur le bilan des élections européennes, la CNIL a ouvert des contrôles formels auprès des candidats ayant suscité le plus de signalements ou dans des cas où les faits signalés étaient particulièrement graves. Le cas échéant, des sanctions pourront être adoptées à l’issue de ces procédures.
Les pratiques des partis politiques
Par courrier en date du 18 juin 2024, la présidente de la CNIL a interrogé 22 partis politiques sur la mise à disposition d’outils de prospection politique, l’origine des données traitées, le canal de communication envisagé (SMS, courriels, automates d’appels), le recours à un prestataire, l’information des personnes ou encore les garanties apportées à l’exercice des droits dans le cadre de cette campagne électorale.
Ce qui ressort de leurs réponses :
- Dans le cas des élections législatives, ce sont le plus souvent les fédérations locales qui exploitent les fichiers départementaux à des fins de propagande politique sans que les candidats y soient nécessairement associés. Certains fichiers peuvent être utilisés à l’échelon national pour des opérations de prospection à plus grande échelle.
- Dans ces cas, il s’agit le plus souvent de données d’adhérents et de sympathisants, récoltées au moment de l’adhésion ou lors de l’abonnement à une lettre d’information ou de la signature d’une pétition.
- Les partis ont recours à des logiciels différents en fonction de la base de données utilisée et du canal de prospection utilisé (courriel, SMS ou appels téléphoniques).
- L’information des personnes est le plus souvent assurée via les mentions légales et la politique de confidentialité publiés sur Internet ;
- L’exercice des droits se fait le plus souvent par une adresse mail générique : sur les 20 partis ayant répondu, seuls 4 ont fourni comme point de contact un délégué à la protection des données.
L’impact de l’intelligence artificielle sur les processus électoraux
La séquence électorale 2024 a été l’occasion pour le service de l’intelligence artificielle de la CNIL de se pencher sur l'utilisation de l’IA et son impact sur les processus électoraux. Les résultats de cette étude approfondie sont publiés dans un article sur le site du Laboratoire d’innovation numérique de la CNIL (LINC).
Il en ressort que l'intelligence artificielle joue un rôle central dans le fonctionnement des réseaux sociaux, moteurs de recherches en ligne et autres plateformes, alors même que ces sites constituent des espaces d'information pour les citoyens, de communication pour les partis politiques ou d'influence pour d'autres acteurs intéressés par les résultats d'élections.
Les techniques d'IA sont aujourd'hui complétement intégrées par les plateformes, que ce soit dans les systèmes de recommandation ou de ciblage publicitaire. L’intégration de ces techniques a des effets importants sur la diffusion des informations électorales et donc sur certaines stratégies politiques.
En revanche, le recours à l'IA générative n’est qu’émergente dans les pratiques, qu'elle soit utilisée par les citoyens pour s'informer, par les partis pour conduire leur propagande électorale, ou encore par des acteurs tiers cherchant à influencer le vote.
Enfin, du côté des plateformes, certaines techniques d'IA sont utilisées dans un objectif de contrôle des informations propagées, pour la modération de contenus ou l'identification de tentatives d'ingérence.
Ces constats sont présentés dans une série de trois articles à retrouver sur le site du LINC :
- Le discours bien réel des contenus artificiels
- Des annonceurs aux utilisateurs : un cheminement algorithmique
- L’autocontrôle, un nouvel apprentissage pour l’IA
Pour chacune de ces utilisations spécifiques de l'IA, les dispositions prévues par les textes actuellement en vigueur (comme le RGPD et le règlement relatif à un marché unique des services numériques) et les textes à venir (comme le règlement IA, ou le règlement relatif à la transparence et au ciblage de la publicité à caractère politique) sont analysées.
Cette étude permet de constater que les mesures prévues cherchent à protéger les processus électoraux en se saisissant des risques majeurs apportés par l'IA.
L’évolution du cadre réglementaire
Avec l’entrée en application, courant 2025, du nouveau règlement européen relatif à la transparence et au ciblage de la publicité à caractère politique les méthodes en matière de prospection politique vont devoir profondément changer.
Ces opérations devront reposer sur le consentement des personnes prospectées, alors que le régime jusque-là applicable repose sur l’opposition des personnes concernées.
À cet égard, la CNIL publiera un plan d’action afin de clarifier les règles applicables aux partis politiques, candidats et sous-traitants afin d’accompagner leur mise en conformité, puis procédera au contrôle de leurs pratiques.