Projet de loi de finances 2020 : publication de l’avis de la CNIL sur l’expérimentation permettant la collecte de données sur les plateformes en ligne
La CNIL s’est prononcée le 12 septembre 2019 sur un article du projet de loi de finances pour 2020 permettant, à titre expérimental, la collecte de données à caractère personnel publiées sur internet par les utilisateurs de plateformes en ligne. Elle rappelle qu’une telle expérimentation, dont il revient au législateur d’apprécier l’opportunité, doit s’accompagner de garanties fortes afin de préserver les droits et libertés des personnes concernées.
La CNIL a examiné un article du projet de loi de finances pour 2020 (article 9 dans la numérotation initiale, devenu article 57 dans le projet de loi déposé au Parlement) créant un nouveau dispositif expérimental de lutte contre la fraude.
Il s’agit de permettre à l’administration fiscale ainsi qu’à l’administration des douanes et droits indirects de collecter les données « librement accessibles » rendues publiques sur les réseaux sociaux ainsi que sur les plateformes de mise en relation par voie électronique (comme par exemple Facebook, Le Bon Coin, Twitter, etc.), et d’exploiter ces données à l’aide de traitements « informatisés ». Cette expérimentation, qui doit durer trois ans, vise à détecter les infractions considérées comme les plus graves.
Un dispositif de ce type est inédit. Il témoigne d’un changement d’échelle dans l’utilisation de données personnelles par ces administrations. Il traduit également un changement de technique, en permettant le développement d’algorithmes pour améliorer le ciblage des contrôles fiscaux à partir de l’exploitation de ces données.
La CNIL a rappelé la légitimité des objectifs poursuivis. Elle a également constaté que le projet comporte certaines garanties (absence de contrôles automatiques à partir des traitements mis en œuvre, nombre d’infractions limitées, etc.).
La Commission a toutefois relevé que ce dispositif présente des enjeux très particuliers du point de vue des libertés, compte tenu de l’impact du dispositif sur la vie privée et ses possibles effets sur la liberté d’expression en ligne. Elle a rappelé l’importance de l’intervention du législateur pour apprécier l’opportunité d’un tel dispositif et, le cas échéant, pour en fixer les règles au regard des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques.
Dans ce contexte, elle a formulé plusieurs réserves de nature à préserver un strict équilibre entre l’objectif de lutte contre la fraude fiscale et le respect des droits et libertés des personnes concernées. En particulier, il apparaît indispensable de préciser les contours du dispositif envisagé (tel que le caractère librement accessible des contenus visés, la nature des traitements envisagés ou celle des données pouvant être collectées) et de renforcer les garanties existantes. La Commission a notamment souligné la nécessité d’évaluer de manière approfondie le respect, par les administrations concernées, du principe de proportionnalité : seules les données réellement nécessaires à la détection de la fraude doivent être exploitées. Il conviendra de s’en assurer à tous les stades, lors de l’élaboration des textes réglementaires d’application, au cours de l’expérimentation et à l’issue de celle-ci.
La CNIL restera particulièrement attentive aux suites de ce texte ainsi qu’aux conditions de mise en œuvre effectives du dispositif.