Partage de photos et vidéos de votre enfant sur les réseaux sociaux : quels sont les risques ?
La publication de photos et de vidéos de mineurs sur les réseaux sociaux (ou sharenting) pose la question de la responsabilité des parents. Elle a des incidences sur la vie privée de leurs enfants. Quels sont les risques et quels sont les réflexes à adopter ?
des parents français ont déjà partagé sur les réseaux sociaux du contenu sur leurs enfants.
Source : Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (OPEN)-POTLOC, 2023
Le partage de vidéos ou de photos de vos enfants sur les réseaux sociaux n’est pas un acte anodin et comporte de nombreux risques.
D’une manière générale, la CNIL déconseille fortement de partager des photos ou des vidéos de vos enfants sur les réseaux sociaux, surtout lorsque votre profil est public. Si malgré tout, vous souhaitez le faire, la CNIL vous donne les bonnes pratiques à respecter pour limiter les risques.
Quels sont les risques à publier l’image de votre enfant sur les réseaux sociaux ?
Histoires vécues…
La CNIL est régulièrement saisie de plaintes comme l’illustrent ces exemples :
- Un mineur s’est adressé à la CNIL pour faire retirer des photographies, vidéos et enregistrements vocaux diffusées par ses parents par l’intermédiaire du groupe sur un réseau social.
- Des parents ont appelé l’attention de la CNIL sur les difficultés qu’ils rencontraient à faire cesser la diffusion de photographies du baptême de leurs enfants mineurs.
La CNIL accompagne les plaignants dans leurs démarches afin d’obtenir la suppression des images et vidéos publiées.
L’image de vos enfants peut être détournée à des fins malveillantes
Les vidéos et photos postées sur les réseaux sociaux peuvent faire l’objet de détournement par des individus malveillants. Certains parents publient des photos dénudées de leur enfant (par exemple lorsqu’ils jouent dans le bain) : des internautes malveillants détournent ces photos pour créer de faux profils, les partagent avec d’autres inconnus ou les diffusent sur des réseaux de pornographie infantile.
Ces individus malintentionnés peuvent récupérer les images sans qu’ils n’aient besoin d’être dans vos contacts soit parce que votre profil est public, soit parce que l'un de vos contacts les aura partagées publiquement ou avec d'autres « amis ».
La publication d’une image peut révéler d’autres informations sur vos enfants
Une image prise depuis un smartphone ou un appareil photo contient des données qui peuvent révéler beaucoup d’informations sur votre enfant.
En effet, souvent les photos et vidéos contiennent des indications sur la localisation et l’heure à laquelle l’image a été prise (grâce aux métadonnées, notamment du GPS, d’une photo ou vidéo). Les images peuvent également révéler des informations précieuses sur vos enfants – comme ses centres d’intérêts ou encore les lieux qu'il fréquente – qu’il n’est pas non plus souhaitable de mettre entre les mains d’un individu malintentionné.
La création d’une identité numérique peut porter préjudice à vos enfants sur le long terme
Dès le plus jeune âge, certains enfants se voient attribuer une « identité numérique » contenant potentiellement des centaines de photos qu’ils pourront difficilement effacer une fois adultes. Ainsi, selon une étude menée par l’agence britannique OPINIUM et publiée en 2018, les parents d’un enfant de 13 ans ont déjà publié en moyenne 1 300 photos de lui sur les réseaux sociaux.
Il est parfois difficile de mesurer l’ampleur et les conséquences des traces laissées sur nos enfants pour l’avenir. Ce qui ne pose pas de souci aujourd’hui pourrait paraître inacceptable demain. Toujours accessibles, les photographies et les vidéos partagées par les parents peuvent donc priver les enfants de leur capacité à définir leur propre image et leur identité. Elles peuvent porter atteinte à leur réputation en ligne (avec un risque de cyberharcèlement) et avoir des incidences négatives dans un cadre scolaire ou dans leur avenir personnel et professionnel.
Quelles sont les bonnes pratiques à adopter ?
Pour que vos enfants ne soient pas confrontés aux risques liés au « sharenting », la CNIL vous livre des conseils sur les bonnes pratiques à adopter.
Privilégiez le partage par messagerie instantanée, par courriels ou par MMS
Évitez de partager des photos et des vidéos de votre enfant sur les réseaux sociaux : privilégiez le partage par messagerie privée instantanée sécurisée dont certaines proposent même des fonctionnalités qui vous permettent d’envoyer des messages éphémères. Le courrier électronique ou les MMS doivent également être privilégiées.
Ne partagez pas les images de votre enfant avec tous vos abonnés sur les réseaux sociaux, alors que vous pouvez les transmettre à vos proches de manière privée. N’hésitez pas à demander à vos proches de ne pas partager eux-mêmes les photos ou vidéos de votre enfant sur les réseaux sociaux sans votre accord.
Demandez l’accord de votre enfant et de l’autre parent avant toute publication
Avant de publier une photo ou une vidéo de votre enfant sur les réseaux sociaux, il est nécessaire d’en parler avec lui et d’obtenir son accord.
Vous devez également demander l’accord de l’autre parent. Plusieurs décisions de justices établissent clairement que diffuser des photographies de ses enfants, notamment sur les réseaux sociaux, est un acte non habituel qui nécessite l’accord des deux parents. Un juge peut donc interdire à l’un des parents, de diffuser des photographies des enfants, sans l’accord de l’autre parent.
Évitez le partage de certaines photos et vidéos et cachez le visage de votre enfant
Si vous décidez de publier des photos et vidéos de votre enfant, faites le tri.
Évitez la publication de certaines photos et vidéos qui ont trait à l’intimité de votre enfant (par exemple, une photo où il serait en maillot de bain ou encore dans son bain).
Il est également conseillé de cacher le visage de votre enfant (photographier votre enfant de dos, ajouter une émoticône sur son visage, etc.) avant de publier.
Sécurisez vos comptes et réduisez la visibilité de vos publications
Verrouillez vos comptes sur les réseaux sociaux en réglant la visibilité de vos publications à vos seuls abonnés pour éviter qu’un inconnu ait accès aux photos ou vidéos de vos enfants.
Pour chacun des réseaux sociaux, vous pouvez configurer les paramètres de confidentialité de votre compte pour limiter la visibilité de vos publications.
Sur smartphone
- Appuyez sur l’icône de profil en bas à droite de l’écran, sur le menu en haut à droite, sur Paramètres et confidentialité puis sur Confidentialité.
- Vous pouvez alors régler votre compte sur Compte privé.
- Vous pouvez également activer l’option Historique des vues du profil.
Sur smartphone
- Accédez à votre profil, puis appuyez sur le menu en haut à droite, puis sur Paramètres et confidentialité tout en haut.
- Descendez jusqu’à la rubrique Qui peut voir votre contenu et sur Confidentialité du compte.
- Cochez la case à côté de Compte privé.
- Cliquez sur Passer à un compte privé pour confirmer.
Sur ordinateur
- Accédez à votre profil, puis allez dans Options en haut à droite, cliquez sur Paramètres et confidentialité.
- Dans la rubrique Qui peut voir votre contenu, cochez la case à côté de Compte privé et cliquez sur Passer à un compte privé pour confirmer.
Sur smartphone
- Accédez à votre profil, puis cliquez sur le menu en bas à droite, puis cliquez sur Paramètres et confidentialité, puis Paramètres et aller sur Audience et visibilité.
- Vous pouvez alors entre autres :
- Rendre votre compte privé, en cliquant sur followers et contenu public et en désactivant l’option public.
- Gérer qui peut voir vos publications sur amis ou moi uniquement.
- Désactiver le partage de stories et de reels pour les personnes qui vous suivent. Si votre compte est public, tout le monde a accès à vos stories.
Sur ordinateur
- Accédez à votre profil, puis cliquez sur votre photo de profil en haut à droite, puis cliquez sur Paramètres et confidentialité, puis Paramètres et aller sur Confidentialité.
- Vous pouvez alors entre autres :
- Gérer qui peut voir vos futures publications sur amis ou moi uniquement.
- Limiter la visibilité de vos anciennes publications sur votre journal.
Sur smartphone
Appuyez sur votre photo de profil, sur Paramètres et confidentialité puis sur Confidentialité et sécurité.
Sur ordinateur
Cliquez sur Plus, sur Paramètres et confidentialité puis sur Confidentialité et sécurité.
Dans les deux cas, vous pouvez alors entre autres :
- Protéger vos Tweets, c’est-à-dire limiter la visibilité de vos tweets aux personnes qui vous suivent.
- Régler qui peut vous identifier sur les photos.
Faites le tri dans vos abonnés et dans vos photos et vidéos publiées
Faites fréquemment le tri dans vos abonnés sur vos réseaux sociaux pour éviter d’être suivi par des personnes que vous ne connaissez pas.
Si possible, classez vos abonnés en plusieurs catégories (amis proches, connaissances, famille, etc.) : vous pourrez ainsi décider de ne partager les photos ou vidéos de vos enfants qu’à certains groupes.
Bon à savoir : sur Instagram, vous pouvez faire un groupe constitué de vos « amis proches », ce qui vous évite de partager des contenus sur vos enfants à tous vos abonnés.
Triez régulièrement vos photos et vidéos partagées sur les réseaux sociaux : cela vous permettra de supprimer les photos de votre enfant qui ne sont plus d’actualité.
Quels sont les droits de vos enfants ?
Depuis 1989 et la Convention internationale des droits de l'enfant, chaque mineur a le droit de « préserver son identité, son nom et ses relations familiales ». Il doit aussi être préservé des « immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée » et les « atteintes illégales à son honneur et à sa réputation ».
Le droit à l'image est un droit jurisprudentiel qui découle du droit au respect de la vie privée prévu à l'article 9 du code civil.
Vos enfants ont le droit au respect de leur vie privée et disposent d’un droit à l’image.
Les photos et vidéos de vos enfants sont des données personnelles. Gardez à l’esprit que votre enfant mineur a des droits numériques sur ses données. Il bénéficie même d’une protection renforcée.
En France, ce sont les parents (représentants légaux) qui exercent, en principe, les droits du mineur, et notamment :
- son droit d’accès, qui permet de connaître les données qu’un organisme détient sur le mineur ;
- son droit de rectification, c’est-à-dire le droit de demander la correction de certaines informations inexactes, obsolètes ou incomplètes à propos du mineur ;
- son droit à l’effacement, soit la possibilité de demander la suppression des données personnelles du mineur ;
- son droit d’opposition, qui permet de refuser que certaines données personnelles du mineur soient utilisées par un organisme pour un objectif précis.
La CNIL estime cependant que les mineurs doivent pouvoir exercer directement les droits relatifs à leurs données personnelles sur les réseaux sociaux. Cette capacité d’agir de manière autonome est sans préjudice de la possibilité pour les parents d’exercer les droits au nom de leur enfant et de l’accompagner dans cette démarche.
A noter que les enfants peuvent également agir contre leurs parents en cas de non-respect de leurs droits par ces derniers. En 2018, un adolescent de seize ans a ainsi porté plainte contre sa mère pour violation de sa vie privée. Le tribunal de Rome a ordonné à la mère de l’enfant d’arrêter de poster des photos de son fils sur les réseaux sociaux, sous peine d’amende.
Faire supprimer des photos ou des vidéos en ligne
Si les photos ou vidéos que vous avez publiées de vos enfants sur vos réseaux sociaux ont été réutilisés sans votre accord vous pourrez exercer, au nom de votre enfant, ses droits et notamment son droit à l’effacement. De la même manière, vos enfants peuvent demander l’effacement des photos ou vidéos les concernant sans votre accord.
Le réseau social devra alors effacer les données personnelles collectées dans le cadre de ses services, dans les meilleurs délais.
En cas d’absence de réponse ou d’action vous pouvez :
- contacter la police ou la gendarmerie si la photo ou la vidéo met en danger immédiat l'enfant ;
- contacter le 3018 si la photo ou la vidéo est utilisée à des fins de cyberharcèlement ;
- en l’absence de réponse du réseau social ou en cas de refus de sa part, adresser une plainte à la CNIL dans un délai d’un mois après la date de la demande, en joignant une copie des démarches effectuées auprès du site.
Une règlementation pour renforcer la protection des mineurs en ligne
En France, la loi a déjà renforcé la protection des mineurs en lignes afin de répondre à des enjeux particuliers tels que l’exploitation commerciale de l’image des mineurs, le cyberharcèlement ou encore la généralisation du contrôle parental.
Par ailleurs, pour renforcer le droit à l’image des enfants vis-à-vis de l’utilisation qui peut en être faite par les parents, une proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants est en cours de discussions au Parlement, qui est expliquée sur le site du Sénat.