Mémoire du sport français : comment archiver les données personnelles ?
La conservation d’archives sportives doit respecter la réglementation en matière de protection des données personnelles. Cependant, il existe des règles différentes pour les archives sportives publiques et pour les archives sportives privées.
La conservation des données personnelles à des fins historiques
Certaines données personnelles collectées sur les sportifs, les dirigeants fédéraux, les présidents de clubs, telles que les résultats, les palmarès, les photographies, les affiches, peuvent présenter un intérêt historique, invoqué par les acteurs de l’écosystème (notamment institutions, clubs, fédérations sportives, ligues professionnelles), pour justifier une conservation sans limitation dans le temps des données.
En pratique, les objectifs associés à la conservation de ces données sont très nombreux. Par exemple :
- retracer les itinéraires des personnes ayant contribué au développement du sport ou ayant eu un parcours exemplaire au niveau national ou local, afin de les mettre à l’honneur ;
- connaître, commémorer, transmettre la culture et l’histoire d’un sport, d’un club, de son territoire et de sa population ;
- valoriser les champions qui sont passés dans un club déterminé ;
- conserver une trace de l’évolution des équipements sportifs ;
- identifier les politiques menées par l’État et les collectivités territoriales dans le secteur du sport ;
- participer à la compréhension des phénomènes socio-culturels et des dynamiques politiques territoriales et nationales ;
- valoriser le savoir-faire événementiel du sport français.
Que recouvre la notion d’archives dans le secteur du sport ?
Les archives sont l'ensemble des documents et données produits ou reçus par une personne physique ou morale ou par tout service ou organisme public ou privé, dans l'exercice de leur activité, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support (papier, numérique, iconographique, audiovisuel…).
Par exemple, constituent des archives les documents produits ou reçus par les acteurs institutionnels (tels que le ministère chargé des Sports, l’Agence nationale du sport, l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance, le Comité national olympique et sportif français, le Comité paralympique et sportif français), les fédérations, délégataires ou non, les clubs, les ligues professionnelles, ou encore les sportifs eux-mêmes.
Il peut s’agir de :
- documents de nature administrative en lien avec la gestion de la structure : statuts, procès-verbaux de réunion, dossiers d’organisation d’un événement, correspondances ;
- supports d’information internes et externes : journaux, lettres d’information, affiches ou programmes;
- photographies et vidéos ;
- carnets d’entraînement.
Selon le statut de la personne qui les a produites ou reçues, ces archives sont soit publiques, soit privées.
Quel encadrement juridique s’applique à la conservation des archives publiques et privées ?
La réglementation sur la protection des données personnelles (RGPD) s’applique à l’ensemble des documents d’archives publiques ou privées comportant des données qui se rapportent à des personnes physiques directement identifiées ou identifiables (ex. : messagerie, fichiers bureautiques, vidéos de compétition).
Par exemple, les affiches d’un club qui ne comportent aucune donnée relative à des personnes identifiées ou identifiables ne sont pas concernées par cette règlementation.
Les archives « papier » (ex. : articles de presse, correspondances) sont également concernées par la réglementation sur la protection des données personnelles si les données qu’elles contiennent font l’objet d’une structuration les rendant accessibles selon des critères déterminés. Par exemple, le classement manuel et par ordre alphabétique d’une photographie d’un sportif recevant un prix lors d’une compétition internationale est soumis à cette réglementation.
Parmi les principes qui résultent de cette réglementation figure celui de la limitation des durées de conservation. Ce principe impose de mettre en place différentes mesures pour organiser la gestion du cycle de vie des données personnelles traitées, et les durées de conservation associées. Pour tout savoir sur le cycle de vie des données, nous vous invitons à consulter la fiche « La durée de conservation des données personnelles des sportifs, dirigeants et autres personnes dans les structures sportives ».
Néanmoins, certaines informations doivent ou peuvent être conservées sans limitation de durée, dès lors qu’elles présentent, à l’issue de la phase d’exploitation courante ou de leur utilité administrative, un intérêt historique. Les données sont alors conservées à des fins archivistiques dans l’intérêt public ou à des fins de recherche scientifique ou historique.
Au plan réglementaire, dans le secteur du sport, il n’existe pas de recensement des documents à conserver à ces fins. En pratique, il appartiendra à chaque acteur d’apprécier, au cas par cas, ce qui est susceptible d’y entrer au nom de la mémoire du sport français.
Les principes de la réglementation en matière de protection des données s’articulent avec un autre régime juridique : celui des archives publiques.
Les archives publiques sont l’ensemble des documents, y compris les données, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, qui procèdent de l’activité de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics et des autres personnes morales de droit public. Il s’agit également des documents produits par un organisme privé gérant un service public ou exerçant une mission de service public. La conservation de ces archives publiques est encadrée par le code du patrimoine (articles L. 211-1 et suivants). Elle est organisée dans « l’intérêt public tant pour les besoins de la gestion et de la justification des droits des personnes physiques ou morales, publiques ou privées, que pour la documentation historique de la recherche ».
Quant aux archives privées, elles procèdent de l’activité de tous les organismes ne produisant pas d’archives publiques. Elles ne sont soumises à aucune obligation juridique de conservation et de dépôt à des fins historiques. Il n’existe pas de règles particulières les concernant.
Comment distinguer les archives publiques des archives privées ?
Certains établissements publics, certaines personnes morales de droit public ou les personnes de droit privé délégataires d’une mission de service public peuvent produire également des archives privées. Pour ces acteurs, afin d’identifier la nature des archives, il convient d’examiner avec les archivistes des services publics d’archives compétents si le document produit est en lien avec leurs missions de service public.
Par exemple, les résultats sportifs d’une compétition sportive organisée par une fédération délégataire (ex. : résultats des championnats de France) constituent des archives publiques. En revanche, dans le cadre d’un gala, si une compétition sportive y est organisée par cette même fédération délégataire, les documents produits constituent des archives privées (le gala n’entrant pas dans le champ des missions de service public assignées à la fédération délégataire organisatrice).
La « Grande Collecte des archives du sport »
À l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques, une « Grande Collecte des archives du sport » est organisée par le ministère de la Culture (Service interministériel des Archives de France), en partenariat avec le CNOSF et l’Académie nationale olympique française (ANOF). Elle a reçu le label Olympiade culturelle et s’achèvera le 31 décembre 2024.
Cette opération n’a pas vocation à s’appliquer aux archives publiques, dont la collecte est obligatoire et encadrée de manière pérenne par la loi.
Les bonnes questions à se poser pour évaluer sa conformité
- Dès la création d’un fichier, d’une base de données, etc., a-t-on identifié quels pourraient être les documents présentant un intérêt historique et entrant possiblement dans le champ d’une conservation sans limitation dans le temps ?
- A-t-on veillé à ne pas généraliser la conservation sans limitation dans le temps des documents comportant des données personnelles sur les sportifs, les dirigeants fédéraux, les présidents de clubs, etc. ? La conservation des documents doit être limitée à ceux qui sont strictement nécessaires à la mémoire du sport français (les autres devant être éliminés). Par exemple, les documents de gestion courante comme les factures peuvent ne pas présenter d’intérêt historique ; ils ne doivent, par conséquent, pas être conservés.
- Si un délégué à la protection des données a été désigné, celui-ci a-t-il été sollicité pour échanger sur la durée de conservation sans limitation dans le temps des données ?
- La réflexion menée sur la durée de conservation sans limitation dans le temps est-elle bien documentée ? Par exemple, dans le registre des activités de traitement, a-t-on mentionné quelles données sont possiblement concernées par une conservation au nom de la mémoire du sport français ?
- Concernant les archives publiques, a-t-on anticipé l’application des dispositions du code du patrimoine ? La réglementation en matière d’archives publiques est-elle connue et appliquée ?
- Concernant les archives privées, une procédure a-t-elle été définie pour encadrer la conservation des documents à des fins historiques : définition de règles d’accès, détermination des délais de communication, dispositif mis en place pour assurer la sécurité des documents, etc. ?
- Dans l’hypothèse où la conservation des documents à des fins historiques est nécessaire, a-t-on mis en place des mesures techniques et organisationnelles appropriées afin de garantir au maximum les droits et libertés des personnes concernées ? Par exemple, selon les situations, limiter l’accès aux données, privilégier la pseudonymisation des données, etc.
Pour plus d’informations sur la notion d’informations pseudonymes et la différence avec l’anonymisation, nous vous invitons à consulter la fiche « L’anonymisation de données personnelles ».
- Dès la collecte des données, les personnes concernées ont-elles été informées :
- de la conservation sans limitation dans le temps de leurs données ?
- de leur réutilisation possible à des fins historiques ?
- le cas échéant, de l’existence de leurs droits (en particulier droit d’accès, de rectification, droit à l’effacement, droit d’opposition) ?
- L’opération « La Grande Collecte des archives du sport » est-elle connue ?
Cette fiche a été rédigée en étroite collaboration avec le service interministériel des Archives de France.
Articles en relation
- Les durées de conservation des données
- La durée de conservation des données personnelles des sportifs, dirigeants et autres personnes dans les structures sportives
- Tous les contenus de la CNIL sur le sport
- Portail FranceArchives (accès simplifiées aux archives sur tout le territoire)
- La « Grande Collecte des archives du sport » - FranceArchives
- Valorisation des archives du sport – FranceArchives
- https://francearchives.gouv.fr/fr/article/82857280
- Carte interactive des services d’archives – FranceArchives
Textes de référence
- Articles 5.1.e du RGPD
- Articles L. 211-1 et suivants du code du patrimoine (archives publiques)
- Article L. 212-8 du code du patrimoine
- Article L. 213-6 du code du patrimoine (don d’archives privées à des archives publiques)
- Article R. 212-8 du code du patrimoine (documents versés aux archives nationales)
- Avis 05/2014 du 10 avril 2014 du CEPD sur les techniques d’anonymisation