La géolocalisation des véhicules des salariés
Parce qu’ils coûtent peu cher et peuvent s’avérer très utiles, les dispositifs de géolocalisation sont fréquents dans le monde du travail. Attention toutefois, de nombreuses règles encadrent l’utilisation de ces outils afin que la vie privée des employés soit respectée.
Dans quels buts ?
Des dispositifs de géolocalisation peuvent être installés dans des véhicules utilisés par des employés pour:
- Suivre, justifier et facturer une prestation de transport de personnes, de marchandises ou de services directement liée à l’utilisation du véhicule. Par exemple : les ambulances dans le cadre de la dématérialisation de la facturation de l’assurance maladie.
- Assurer la sécurité de l’employé, des marchandises ou des véhicules dont il a la charge, et notamment retrouver le véhicule en cas de vol (par exemple, avec un dispositif inerte activable à distance à compter du signalement du vol).
- Mieux allouer des moyens pour des prestations à accomplir en des lieux dispersés, notamment pour des interventions d’urgence. Par exemple : identifier l’employé le plus proche d’une panne d’ascenseur ou l’ambulance la plus proche d’un accident.
- Accessoirement, suivre le temps de travail, lorsque cela ne peut être réalisé par un autre moyen.
- Respecter une obligation légale ou réglementaire imposant la mise en œuvre d’un dispositif de géolocalisation en raison du type de transport ou de la nature des biens transportés.
- Contrôler le respect des règles d’utilisation du véhicule.
À savoir
Les kilomètres parcourus pendant une période durant laquelle le véhicule ne doit pas être utilisé sont suffisants pour caractériser un abus et sa gravité, sans qu’il soit nécessaire de connaître le trajet effectué.
Les utilisations à exclure
Un dispositif de géolocalisation installé dans un véhicule mis à la disposition d’un employé ne peut pas être utilisé :
- pour contrôler le respect des limitations de vitesse.
- pour contrôler un employé en permanence.
- en particulier, il ne peut pas être utilisé :
- dans le véhicule d’un employé disposant d’une liberté dans l’organisation de ses déplacements (par exemple : VRP) ;
- pour suivre les déplacements des représentants du personnel dans le cadre de leur mandat ;
- pour collecter la localisation en dehors du temps de travail (trajet domicile travail, temps de pause,etc.), y compris pour lutter contre le vol ou vérifier le respect des conditions d’utilisation du véhicule ;
- pour calculer le temps de travail des employés alors qu’un autre dispositif existe déjà.
Quelles garanties pour la vie privée ?
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Les droits des employés
Les employés peuvent s’opposer à l’installation d’un dispositif de géolocalisation dans leur véhicule professionnel, dès lors que ce dispositif ne respecte pas les conditions légales posées par la CNIL ou d’autres textes. Les employés doivent être informés de l’installation de ce dispositif.
À leur demande, ils doivent pouvoir accéder aux données les concernant enregistrées par l’outil (dates et heures de circulation, trajets effectués, etc.). Les employés doivent pouvoir désactiver la collecte ou la transmission de la localisation géographique en dehors du temps de travail.
À savoir
L’employeur peut contrôler le nombre ou la durée des désactivations et, le cas échéant, demander des explications au conducteur et sanctionner les éventuels abus.
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Des destinataires précis
L’accès aux informations du dispositif de géolocalisation doit être limité au personnel habilité des services concernés, à l’employeur et au personnel habilité d’un client ou donneur d’ordre auprès duquel une prestation est justifiée.
Attention : le nom du conducteur ne doit pas être communiqué à un client ou à un donneur d’ordre, puisque cette information ne présente pas d’intérêt pour ces personnes, sauf si cette information présente un intérêt particulier et indispensable.
Exemple : un salarié d’une société souhaitait obtenir de son employeur les relevés du dispositif de géolocalisation installé dans son véhicule à la suite d’un accident de la circulation. La société refusait que les salariés obtiennent une copie de ces documents. Saisie d’une plainte par le salarié, et après plusieurs courriers restés sans réponse, la société a été mise en demeure de fournir au salarié la copie de ses données. Faute de réponse satisfaisante de l’employeur, la CNIL a prononcé une sanction de 10 000 euros à son encontre.
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La sécurité
Pour éviter notamment que des personnes non autorisées accèdent aux informations du dispositif, il est impératif de prendre des mesures de sécurité. Par exemple, l’accès au dispositif de suivi en temps réel sur un site web doit se faire avec un identifiant et un mot de passe.
Il faut également impérativement prévoir :
- une politique d’habilitation,
- une sécurisation des échanges,
- une journalisation des accès aux données et des opérations effectuées.
Une étude des risques sur la sécurité des données est également souhaitable afin de définir les mesures les mieux adaptées.
Les outils ou logiciels développés par des prestataires restent sous la responsabilité de l’employeur qui doit vérifier que ces outils ou logiciels respectent les obligations de la loi, en particulier les mesures de sécurité (clause contractuelle sur les obligations du sous-traitant en matière de sécurité et de confidentialité des données).
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Une durée de conservation limitée
En principe, les informations obtenues par la géolocalisation ne doivent pas être conservées plus de deux mois. Toutefois, elles peuvent être conservées un an lorsqu’elles sont utilisées pour optimiser les tournées ou à des fins de preuve des interventions effectuées, lorsqu’il n’est pas possible de rapporter cette preuve par un autre moyen. Enfin, elles peuvent être conservées cinq ans lorsqu’elles sont utilisées pour le suivi du temps de travail.
L’information des employés
Les instances représentatives du personnel doivent être informées ou consultées avant toute décision d’installer un dispositif de géolocalisation dans les véhicules mis à la disposition des employés.
Chaque employé doit être par ailleurs informé :
- de l’identité du responsable de traitement ;
- des finalités (objectifs) poursuivies ;
- de la base légale du dispositif (par exemple : obligation issue du code du travail, ou intérêt légitime de l’employeur) ;
- des destinataires des données issues du dispositif de géolocalisation ;
- de son droit d’opposition pour motif légitime ;
- de la durée de conservation des données ;
- de ses droits d’accès et de rectification ;
- de la possibilité d’introduire une réclamation auprès de la CNIL.
Cette information peut se faire au moyen d’un avenant au contrat de travail ou d’une note de service, par exemple.
Quelle formalité CNIL ?
Si l’employeur a désigné un délégué à la protection des données (DPO), il doit être associé à la mise en œuvre du dispositif.
Le système de géolocalisation doit être inscrit au registre des activités de traitement tenu par l’employeur.
Quels recours ?
Si un dispositif de géolocalisation ne respecte pas ces règles, vous pouvez saisir :
- Le service des plaintes de la Commission nationale de l’informatique et des libertés
- Les services de l’inspection du Travail
- Le procureur de la République
Les textes de référence
- Article 9 du code civil (droit à la vie privée)
- Article L. 1121-1 du code du travail (droits et libertés dans l’entreprise)
- Article L. 1222-3 et L. 1222-4 du code du travail (information des employés)
- Article L. 2323-32 du code du travail (information/consultation du comité d’entreprise)
- Articles 226-1 et suivants du code pénal (protection de la vie privée)
- Articles 226-16 et suivants du code pénal (atteintes aux droits des personnes résultant des traitements informatiques)
- La loi Informatique et Libertés
- Le règlement européen sur la protection des données (RGPD)
- Norme simplifiée NS-051 (obsolète)